top of page

L'ACES2065-1

Quand l'ACES a été créé, c'était pour faire face aux différentes évolutions technologiques colorimétriques, et la multiplication de ces espaces colorimétriques. En effet, avoir un espace colorimétrique comprenant tous les autres espaces colorimétriques permet d’anticiper le futur. Tel est l'objectif de l'académie des Oscars, en développant l’ACES.

 

Ainsi, l’ ACES2065-1 a été créé, nommé SMPTE ST 2065-1:2012, avec la particularité de prendre en charge 100% des couleurs visibles par l'œil humain, ce qui se traduit par une dynamique de 30 diaphragmes théorique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour mieux comprendre cela, il suffit de comparer l’ACES à un réseau informatique. Chaque espace colorimétrique d’enregistrement correspond à un ordinateur. Il y a l’ordinateur S-log 2 et l’ordinateur S-log 3, deux espaces colorimétriques utilisés lors du tournage. Chaque espace colorimétrique doit être relié à l’ordinateur de traitement du projet. Ainsi, il y a l’ordinateur Rec 709 pour la télévision, l’ordinateur DCI P3 pour un export cinéma, et un ordinateur Rec 2020 pour un export en 4K. Plus il y a de destinations de diffusion, et plus il y a de liaisons qui vont être créées, rendant le projet de plus en plus complexe, même si l’ordinateur de sortie du projet est identique à celui du traitement. Avec l’ACES, le schéma est beaucoup plus simple, car il y a toujours ces ordinateurs, mais l’ACES va jouer le rôle de serveur. Ainsi, toutes les liaisons vont être envoyées vers ce serveur, et c’est depuis ce serveur que les liaisons vers l’ordinateur affichant l’espace colorimétrique de diffusion vont être faites. Ainsi, le nombre de liaisons est largement plus simplifié, rendant le travail plus fluide.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Donc, l’ACES CC, avec le gamut ACES2065-1, que l’on retrouve dans les logiciels sous le nom de AP0, a développé ses propres caractéristiques, qui peuvent être différentes des espaces colorimétriques choisis pour le tournage du projet. La norme colorimétrique ACES CC AP0 est dit linéaire, cela signifie “que le signal n’est pas modifié.” 1. En effet, un pixel rouge avec une luminance à 80% dans le fichier d’origine conserve cette luminance à 80% dans l’AP0. Le signal reçu correspond au signal affiché, et donc, n’est pas modifié. Ce système linéaire se retrouve dans la plupart des espaces colorimétriques de diffusion (Rec709, sRGB). Ces espaces linéaires se retrouvent surtout pour la diffusion, là où les espaces colorimétriques logarithmique sont majoritairement utilisés par les caméras (Log-C chez Arri, S-log chez Sony,...), car ces espaces “ représentent le comportement de la lumière par rapport à la sensibilité [...] à différentes expositions.”2. Ainsi, le choix de la norme colorimétrique linéaire ACES CC AP0 est plus pertinent, car il permet de garder toutes les informations issues de l’enregistrement de l’image, sans perte. Qui plus est, couplé à une prise en charge à 100% des couleurs visible, sans perte d’information dans les couleurs lors de l’enregistrement, ce qui laisse une marge de manœuvre totale lors de l’étalonnage ou le traitement des FX du projet.

Lorsque le projet est en AP0, cela permet d’avoir à disposition toutes les couleurs enregistrées, et permet une adaptation rapide en fonction de la diffusion du projet. En développant cela, un côté universel au projet est possible, et permet d’atteindre l’objectif de l’académie : rendre éternel le film, en permettant de toujours pouvoir s’adapter aux technologies utilisées, pour pouvoir bénéficier de tous les avantages du support de diffusion. Cependant, lors de l’étalonnage du film, étape importante pour tous les projets filmés en log, l’ACES CC AP0 offre quelques problèmes, car il y a trop d’information, ce qui a tendance à ralentir les ordinateurs, car les calculs sont plus longs et surtout plus nombreux. Aujourd’hui, avec les nouveaux ordinateurs toujours plus puissants, il serait possible d’étalonner en AP0, bien qu’inutile, mais en 2015, lors de la sortie de l’ACES, cela était trop complexe. Alors, une technologie en parallèle a été développée, l’ACES CCT avec la norme colorimétrique AP1.

 

1 Victor PEREZ. Color Management Fundamentals & ACES Workflows in Nuke. Netflix Production Technology Video Resources. 31 mars 2021.

2 Victor Perez, Color Management Fundamentals & ACES Workflows in Nuke, Netflix Production Technology Video Resources, 31 mars 2021.

smpte.PNG
CIE 1931.png

Pour comprendre cela, un peu d'histoire. Avec le travail de la photographie et de la vidéo, le travail de la couleur se fait en parallèle, avec pour objectif de montrer les images en couleur. Ces travaux permettent d’aboutir à la représentation des couleurs perçues par l’œil humain, représenté dans un schéma en deux dimensions, nommé CIE XY 1931. Ainsi, tous les espaces colorimétriques possèdent un gamut, représenté par trois points de coordonnés, correspondant aux coordonnées de rouge, vert et bleu de référence, ce qui permet de définir un triangle dans ce CIE. Ce triangle montre toutes les couleurs que l’espace colorimétrique peut afficher, parmi les couleurs que l'œil humain peut voir. Chaque gamut est complété d’un quatrième point, indiquant le blanc de référence de ce gamut. Pour chaque espace colorimétrique, ces quatre points de coordonnées sont des couleurs réels, car présents dans ce CIE.

ap1_ap0.png

 Au contraire, pour la norme colorimétrique ACES2065-1, ces trois points de coordonnés de couleurs sont en dehors de ce CIE, ils sont irréels. C’est grâce à cette irréalité des points de coordonnées, que l’ACES2065-1 peut afficher 100% des couleurs visible par l'œil humain. Cependant, on ne peut pas parler d’espace colorimétrique pour l’ACES2065-1, utilisé sous le nom de AP0. En effet, un espace colorimétrique permet soit d’enregistrer, soit de diffuser un signal vidéo, ou parfois les deux. L’ACES2065-1, est qualifiée de gamut, car ce n’est qu’une représentation des couleurs prises en charge. C’est pour cela que l’AP 0 est généralement associé à l’ACES CC, jouant le rôle de gamma. Ainsi, ce duo joue le rôle de norme colorimétrique, car il permet de passer d’un espace colorimétrique à un autre, mais pour autant, il est impossible de voir une image en ACES.

Capture d’écran de la Représentation de l’ACES2065-1 dans le CIE 1931 XY. Shona Kavi.

Colour Space — Shona Kavi 

Représentation du CIE YZ 1931. CIE XYZ — Wikipédia (wikipedia.org)

L’un des avantages, c’est qu’en 2024, la norme de diffusion de la télévision va évoluer du Rec 709 au Rec 2020, qui deviendra la norme de diffusion de la télévision française. L'avantage du projet, dont la post-production sera effectuée avec l’ACES, c’est qu’il suffira uniquement de faire un export en Rec 2020 et l’adaptation de l’image ce sera fait automatiquement. Ainsi, le programme bénéficiera de tous les avantages de cet espace colorimétrique plus grand, évitant ainsi de se restreindre au Rec 709 comme la plupart des programmes enregistrés maintenant et diffusés plus tard en Rec 2020.

Cela est bien beau ce fonctionnement théorique comme un serveur, mais l'ACES CC AP0 comment ça fonctionne ? Le principe est assez simple. Tout d'abord, il y a les rushes, tournés dans un ou plusieurs espaces colorimétriques (S.log, log-c, Rec.709,..), qui vont être convertis via une IDT (Input Device Transform) afin que tous ces rushes soient compris dans la norme colorimétrique ACES CC AP0. Puis, pour s'adapter à l'écran sur lequel les rushes ou le film est regardé, que ce soit le producteur lors des étapes de post-production, ou le spectateur au cinéma / devant sa télévision, il suffit d’appliquer une ODT (Output Device Transform), permettant d'afficher l'image dans l'espace colorimétrique de destination (sRGB, Rec 709, DCI P3,...). L'avantage de ce système, c'est qu'une image regardée avec une ODT Rec 709 sur un écran calibré Rec 709, est identique a une image regardée avec une ODT DCI P3 sur un écran calibré DCI P3. Ces deux images ont les mêmes propriétés, et sont purement identique, tout en respectent les normes et les limites de leurs espaces colorimétrique. C’est pour cela que l’ACES CC AP0 est une norme colorimétrique et non un espace colorimétrique, car finalement, l’image en ACES est toujours théorique, puisque l’on ne verra jamais celle-ci. Là où une image en log peut être vu (même si c’est encapsulé dans un autre espace colorimétrique car aucun écran n’affiche en log), il est possible de voir l’image sur le tournage ou en étalonnage, car c’est l’image vu avant traitement. Comme il y a une ODT qui est appliquée à l’AP0 pour afficher l’image, celle-ci n’est donc jamais visible. Il est possible de regarder l’image en AP0, mais cela n’a aucun intérêt, car l’objectif est d’afficher l’image dans l’espace colorimétrique de diffusion.

L'autre avantage de ce système, c'est que l'IDT et l'ODT fonctionnent sur le principe de LMT (Look Modification Transforms.), et non de LUT (Look Up Table). Que ce soit LMT ou LUT, ces deux systèmes de transformation ont la même base, c'est une formule mathématique comprise dans un format de fichier CDL qui convertit les couleurs, permettant de passer d'un espace colorimétrique à un autre. La différence entre ces deux principes se fait dans les très hautes et très basses lumières. En effet, quand les blancs sont cramés ou les noirs sont bouchés via la LUT, ces détails ne seront pas retrouvable ensuite, notamment lors de l'étalonnage. Alors qu’avec la LMT, si les blancs sont cramés ou les noirs bouchés, les détails sont conservées. Ceci permet qu'en baissant les hautes lumières, ou en montant le basses lumières, ces détails vont être retrouvés. Cela se retrouve notamment dans les blancs, avec le ciel, ou la dynamique de la caméra se retrouve, permettant d'avoir tous les détails, et pas seulement un aplat blanc dans ce ciel.

aces simple_1.1.1.jpg
lmt_1.1.1.jpg

Via cette utilisation d’IDT et d’ODT, l’ACES CC AP0 est dit “Scene Referred Color Space Workflow”. Cela signifie que, dans le workflow, il n’y a plus qu’un seul espace colorimétrique d'utilisé, et qu’en un seul clique, le film est adapté au support de diffusion. Dans ce cas, l’espace colorimétrique de visionnage du workflow est l’espace colorimétrique de destination. Cependant, ce système offre une souplesse, puisqu’à tout moment, il est possible de changer cette espace colorimétrique, sans que cela n’oblige à effectuer des changements sur ce workflow. Ce système vient en opposition au système plus classique et plus largement utilisé, qui est le “Display Referred Color Space Workflow". Celui-ci vise, pour un seul film, à fournir différentes versions ; ceci afin de s’adapter aux différents modes de consommation de contenue audiovisuel, de la salle de cinéma avec un film diffusé en DCI P3, à la distribution en DVD qui se fait via une diffusion en Rec 709 8 bits. Avec le système "Scene Referred Color Space Workflow”, en appliquant l’ODT, il n’y a pas d’adaptation de l’étalonnage à faire. En effet, que l’image soit en DCI P3 ou Rec 709, l’exposition, le contraste et la saturation sont identiques. Alors que pour le “Display Referred Color Space Workflow", le film doit obligatoirement être adapté en fonction de l’espace colorimétrique de la diffusion, et du support de diffusion du film. Cela obligea à retravailler l’image, modifier l’étalonnage, enlever certaines retouches pour alléger le montage, ce qui risque d’avoir des images avec des différences selon le support de diffusion. Il est possible de s’adapter via des LUT’s, mais l’étalonnage devra être modifié, afin de respecter les normes de diffusion des supports, avec les niveaux minimum et maximum des noirs et des blancs. Mais, en plus des retouches d'étalonnage, il faut veiller aussi à ce qu’entre le master DCP et le master pour TF1, il n’y ai pas de trop grande différence dans l’exposition, la saturation et le contraste, pour éviter d’avoir un film différent dans l’esthétique des couleurs. Ainsi, l’objectif est d’éviter des problèmes comme c’est parfois le cas, et le film Matrix (Lana et Lilly Wachowski, 1999) est l’un des exemples les plus probants, avec une dominante verte plus ou moins prononcé en fonction du support de diffusion et l’année de diffusion.

Là où le “Scene Referred Color Space Workflow” offre la possibilité d’adapter le film en fonction du support de diffusion en trois cliques, la méthode du “Display Referred Color Space Workflow" est plus lourde, et entraîne plus de travail d’étalonnage avant de pouvoir livrer le travail sur le support de diffusion choisi. Cependant, comme son nom l’indique, le système Display permet de travailler l’image directement, avec l’espace colorimétrique d’enregistrement. Alors que pour le système Scene, l’image a déjà subi des modifications, et ce n’est pas l’espace colorimétrique d’enregistrement qui est travaillé.

display vs scene_1.1.1.jpg

Schéma simplificatif du fonctionnement de l'ACES. Réalisation, Thomas Clavreul

Schéma du workflow Display Referred Color Space Workflow et Scene Referred Color Space Workflow 

display vs scene_1.2.1.jpg
bottom of page